Rentrée scolaire 2020 : quelle(s) langue(s) enseigner en temps de Covid-19 ?

Rédigé par Pierre Dieumegard Aucun commentaire
Classé dans : Mots clés : aucun
Covid 19 dans le monde

Vendredi 4 septembre 2020 : c'est la première semaine de l'année scolaire, et déjà 22 établissements scolaires ont été fermés en France, ainsi que 120-130 classes, pour cause de Covid-19.

Par ailleurs, le nombre de contaminations en France a été multiplié par 12 depuis juillet, et le temps de doublement du nombre de cas est proche de 14 jours. Les perturbations du système scolaire vont donc s'accroître dans les semaines à venir. Les perturbations seront fortes en particulier dans le domaine des langues, pour lesquelles le contact avec les enseignants est important.

Comment peuvent réagir les organisations en charge de l'éducation, non seulement l'Education nationale, mais aussi les collectivités territoriales et les associations d'éducation populaire ?

(Dossier au format pdf)

Rentrée scolaire 2020 :
quelle(s) langue(s) malgré le Covid-19 ?


(Pierre Dieumegard, août 2020
pierre.dieumegard@free.fr)

En 2020, les enfants actuellement à l’école sont supposés avoir une dizaine d’années, et se préparer à vivre longtemps. Leur vie professionnelle, commencée vers 25 ans (2035), irait jusqu’à 62 ans au minimum, vers 2072. Le rôle de l’école (collège, lycée, université…) est de les préparer à cette époque. Même s’il est difficile de prévoir ce que sera le monde dans trois ou quatre siècles, ou même dans trois ou quatre décennies, il est important que les politiques publiques préparent dès maintenant la population actuelle à pouvoir vivre et agir vers 2050, lorsque les écoliers actuels auront une quarantaine d’années, seront eux-mêmes parents, et se soucieront de l’avenir de leurs enfants.

L’épidémie de Covid-19 a d’abord provoqué le confinement, donc la fermeture des établissements scolaires. Les élèves n’ont pas reçu d’enseignement pendant plusieurs mois. Pour certaines disciplines, et pour les élèves les plus favorisés, un apprentissage a été possible par internet et sur des livres, mais c’était pratiquement impossible pour d’autres disciplines, et surtout pour les élèves les moins favorisés. Les langues en particulier sont très discriminantes.

Comment, pour l’année 2020-2021, permettre aux élèves de tous niveaux de progresser et de se préparer au monde futur par l’apprentissage d’une autre langue ?

Table des matières


1 Le coronavirus arrête les déplacements, dans et hors du pays

2 Quelle(s) langue(s) enseigner à nos enfants, pour mieux les préparer au monde de 2050 (et au-delà) ?

3 Proposition d’enseignement des langues dans le système éducatif primaire et secondaire

4 Que peuvent faire les collectivités territoriales et les associations d’éducation populaire ?

Conclusion


1Le coronavirus arrête les déplacements, dans et hors du pays

1.1En France, imprévisibilité de la scolarisation
Beaucoup d’élèves n’ont pas été en classe de mi-mars jusqu’à fin août, et leur acquisition de nouvelles connaissances a été stoppée à la fin de l’hiver, malgré les instructions ministérielles, malgré les tentatives d’enseignement par internet, et malgré le dispositif « vacances apprenantes ».

Fin août 2020, la rentrée scolaire s’annonce difficile. Le guide sanitaire de la rentrée scolaire indique « Les gestes barrière doivent être appliqués en permanence, partout, et par tout le monde. », mais dans la pratique, les bâtiments d’enseignement sont mal adaptés, par exemple pour le lavage des mains « à l’arrivée dans l’établissement, avant chaque repas, après être allé aux toilettes, le soir avant de rentrer chez soi ».

Les parents d’élèves reçoivent une lourde responsabilité : «  Ils s’engagent à ne pas mettre leurs enfants à l’école, au collège ou au lycée en cas de fièvre (38 °C ou plus) ou en cas d’apparition de symptômes évoquant la Covid-19 chez l’élève ou dans sa famille. ». Bien sûr, les mesures d’éviction scolaire sont très classiques, mais comment estimer les « symptômes évoquant la Covid-19 » sans un diagnostic médical ?

Les préconisations précédentes sont valables en temps normal, mais si la circulation du virus devient active ou très active dans une localité, les établissements scolaires seront fermés, avec une « continuité pédagogique » par enseignement à distance et par internet.

Il faut prévoir que beaucoup d’élèves ne pourront pas aller à l’école, par intermittence, soit parce que l’école sera totalement fermée, soit parce qu’individuellement ils seront exclus par suite de contamination dans leur entourage. Il faut donc prévoir des activités alternatives, pour ne pas les laisser isolés et oisifs, comme lors du confinement du printemps 2020.

1.2La circulation des personnes est arrêtée entre les pays.
Au printemps, le confinement obligeait chacun à rester chez soi. Depuis, la circulation des personnes à l’intérieur d’un pays est de nouveau plus ou moins libre, mais les voyages entre les pays sont très diminués. Chaque pays a édicté des règles pour les voyages avec les pays voisins : interdiction totale, obligation d’isolement, obligation de test Covid-19…On ne peut pas réserver de voyage à l’étranger quelques semaines à l’avance, car on ne sait pas si l’on pourra finalement partir, le jour dit, ni si on pourra rentrer après ce séjour sans obligation de quarantaine.

Les voyages scolaires en France vont être difficiles, à cause des précautions sanitaires à prévoir pendant le transport en bus et dans les lieux d’hébergement. Les voyages à l’étranger vont devenir impossibles, car il n’est pas imaginable que des élèves partis à l’étranger pour une semaine, par exemple, ne puissent plus rentrer dans leur pays parce que le règlement sanitaire d’un pays ou de l’autre aura changé pendant le voyage.

Les séjours linguistiques sont stoppés pour au moins l’année scolaire 2020-2021.

2Quelle(s) langue(s) enseigner à nos enfants, pour mieux les préparer au monde de 2050 (et au-delà) ?

Que ce soit en tant que citoyens, en tant que travailleurs ou en tant que consommateurs, les personnes vivant en 2050 devront avoir des relations avec diverses personnes, dont certaines ne parleront pas la même langue. Comment les préparer ?


2.1Le modèle du tout-anglais est remis en cause par le coronavirus.
Tous les écoliers français reçoivent en principe un enseignement d’anglais depuis le début de l’école primaire, et ils continuent ensuite au collège, au lycée, et éventuellement au-delà. Les résultats sont souvent mauvais, malgré la bonne volonté initiale des élèves. C’est vrai que l’anglais est une langue difficile, avec une prononciation compliquée. On donne souvent comme conseil aux pauvres élèves largués en anglais d’aller faire un séjour linguistique dans un pays anglophone, si les finances familiales le permettent. L’activité économique générée par ces voyages génère un transfert monétaire important vers les pays anglophones.

En 2020, les séjours linguistiques à l’étranger ont été supprimés pour cause de pandémie. Divers organismes proposent des « séjours linguistiques en anglais en France », par exemple des stages de poterie en anglais. Là encore, les finances familiales sont le facteur limitant.

Les écoles (collèges, lycées…) sont fermés depuis mars 2020, et on ne sait pas comment sera la rentrée de septembre 2020. Il est certain que pour la grosse majorité des élèves, il n’y a pas eu d’enseignement d’anglais efficace depuis mars 2020, parce que les élèves ne sont pas capables de travailler par eux-mêmes dans cette langue. En cas de poursuite de l’épidémie, les établissements scolaires n’accueilleront les élèves que par petits groupes, sur des temps limités. Si le temps réel d’enseignement d’anglais est divisé par deux, il est probable que le niveau atteint par les élèves va baisser. Si les élèves sont seuls face à leur livre, ou à leur tablette tactile, il est probable qu’ils ne progresseront guère en anglais.

L’enseignement universel et uniforme de l’anglais tel qu’il est pratiqué en France actuellement bloque l’apprentissage d’autres langues. C’est une langue difficile:pour réussir à bien parler anglais, on doit y consacrer beaucoup de temps et d’efforts, ce qui aboutit à négliger l’étude d’autres langues. D’autre part, beaucoup d’élèves sont en échec en anglais malgré leurs efforts, et pensent qu’ils sont « mauvais en langues », et qu’ils ne sont pas capables d’en apprendre une autre.

2.2Quelle langue faudra-t-il connaître en 2050 ?
Vu de France, la gestion calamiteuse de l’épidémie par les gouvernants des grands pays anglophones (États-Unis, Grande-Bretagne) n’incite guère à prendre modèle sur eux.

L’efficacité du gouvernement chinois peut inciter à étudier le chinois, mais la violence qui accompagne cette efficacité fait peur. D’autres gouvernements autoritaires ont existé auparavant, avec des résultats spectaculaires (dans certains domaines, au moins au début…) comme l’Allemagne hitlérienne, l’Union soviétique stalinienne, ou l’Iran du shah, mais ça s’est souvent mal fini. Quelle sera l’évolution de la Chine si le gouvernement de Xi Jinping s’enferme dans une politique autoritaire, sans changements en cas de difficultés ?

En 2050, la population chinoise devrait être en diminution, contrairement à celle des pays indiens, Pakistan et Inde, qui actuellement ont un fort développement économique, et un fonctionnement plus ou moins démocratique qui devrait leur permettre de changer de politique en douceur. Leurs langues officielles, hindi et urdu, sont deux variantes d’une même langue : faut-il que les enfants de 2020 l’apprennent, pour se préparer au monde de 2050 ?

Et si les adultes de 2050 vont travailler ou vivre en famille dans les pays européens voisins, il serait souhaitable qu’ils comprennent la ou les langues du pays où ils vivront. Comment savoir ? Les enfants de 2020 devront probablement apprendre une nouvelle langue lorsqu’ils auront 30 ou 40 ans. Quoi leur enseigner aujourd’hui, en 2020, pour les préparer à apprendre une nouvelle langue dans dix, vingt ou trente ans ?

Il est bien connu que la première langue étrangère est la plus difficile à apprendre, parce qu’il faut sortir de sa langue maternelle pour d’autres mots, une autre grammaire, d’autres structures de pensée. La seconde langue étrangère est plus facile, parce qu’on a déjà fait la gymnastique intellectuelle lors de l’apprentissage de la première langue.

2.3Un portrait-robot de la langue à enseigner aujourd’hui
En 2020, il est souhaitable d’enseigner aux enfants une langue qui leur permettra de s’adapter facilement au monde de 2050. Il faut enseigner aujourd’hui une langue qui permettra aux adultes de 2050 d’apprendre l’anglais, le slovène, le chinois ou le tagalog selon leurs besoins. Il faut enseigner aujourd’hui une langue qui permette la confiance en soi, et qui ne les dégoûte pas des autres langues, ni de l’école en général.

Il faut aussi enseigner une langue facile à prononcer, où le professeur n’ait pas besoin de montrer comment positionner la langue par rapport aux dents : c’est difficile à travers un masque !

Pour que ce qui est appris sur un livre ait la même valeur que ce qui est appris en regardant un film, et que l’élève puisse faire le lien entre l’écrit et l’oral, il faut une langue avec une bonne correspondance entre l’écrit et l’oral. Il faut une orthographe facile, où une lettre correspond à un son.

Comprendre, c’est bien, mais pouvoir s’exprimer correctement, c’est mieux. Les langues européennes traditionnelles, et l’anglais en particulier, ont une multitude de règles grammaticales, avec diverses exceptions, et des cas particuliers dans les exceptions. Elles ont un grand nombre de verbes irréguliers et de pluriels étranges. Il faut une langue avec une grammaire simple et précise, sans exceptions, pour qu’on puisse l’appliquer sans hésitation.

Pour pouvoir exprimer finement sa pensée, il faut pouvoir utiliser des mots variés, apportant des nuances. Il faut une langue productive, où la création de nouveaux mots ou de nouvelles expressions est facile.

Et comme il est souhaitable de pouvoir apprendre de nouvelles langues à l’âge adulte, il faut une langue propédeutique, c’est-à-dire une langue qui facilite l’apprentissage ultérieur d’autres langues.

2.4L’espéranto est la langue à apprendre en période de coronavirus et de monde instable
Pourquoi apprendre l’espéranto, alors que ce n’est la langue officielle d’aucun pays du monde ?

2.4.1Parce que l’espéranto est une langue simple, rapide à apprendre
Avec un alphabet latin, une prononciation qui correspond à l’orthographe, et une conjugaison sans verbes irréguliers, l’espéranto peut être appris environ dix fois plus rapidement que les langues européennes habituelles. Ainsi, en un ou deux ans, le niveau B2 peut être atteint, alors que ce niveau qui est censé être la référence pour le baccalauréat, n’est atteint en anglais que par une faible minorité des élèves.

La prononciation est simple, et il n’y a pas besoin de séjours en immersion coûteux pour réussir. On peut enseigner l’espéranto sans avoir besoin de montrer la position de la langue par rapport aux dents, même avec un masque. On peut l’apprendre seul ou en petits groupes, avec un livre ou par informatique (la version de Duolingo pour les francophones vient de paraître).

2.4.2Parce que l’espéranto permet de mieux comprendre la langue française
Le fonctionnement logique de l’espéranto permet de mieux comprendre ce qui est enseigné traditionnellement en français : la nature des mots (nom, adjectif, verbe, adverbe, préposition…), la fonction des mots (sujet, complément…), et l’organisation des phrases.

2.4.3Parce que l’espéranto donne confiance en soi
Avec les langues européennes, et en particulier l’anglais, avoir appris le vocabulaire et la grammaire ne suffit pas à être sûr de pouvoir s’exprimer dans la langue. Il y a peut-être un verbe irrégulier caché, peut-être une concordance des temps différente du français, peut-être une particule verbale qui donne un sens différent de celui souhaité… Le résultat est que souvent les élèves sont inhibés, et se persuadent qu’ils sont mauvais en langues étrangères.

Au contraire, avec l’espéranto, on est sûr de pouvoir appliquer ce qu’on a appris, même si d’autres personnes peuvent construire des phrases différemment.

2.4.4Parce que l’espéranto permet de mieux apprendre les autres langues étrangères, et en particulier l’anglais.
Illustration 1: Passer par l'espéranto permet le succès plus facile dans les autres langues (Eŭropa bulteno, décembre 2015, eb-155-2015-12)


Après avoir appris les bases de l’espéranto, les élèves sont mieux capables intellectuellement de comprendre les langues plus difficiles telles que l’anglais.

La meilleure façon pour que les lycéens français aient le niveau B2 en anglais lorsqu’ils passent le baccalauréat serait de commencer par leur enseigner l’espéranto à l’école primaire et au début du collège, et ensuite seulement de leur enseigner l’anglais.

3Proposition d’enseignement des langues dans le système éducatif primaire et secondaire

L’objectif du système éducatif est la fin des études secondaires, à environ 18 ans et le baccalauréat (général ou bac pro, peu importe).

3.1École maternelle et début du primaire : habituer l'oreille à des sons variés
Dans les « petites classes », là où la sensibilité aux sons étrangers est maximale et où les préoccupations de grammaires sont embryonnaires, c'est le moment pour faire écouter des langues, non seulement de l'anglais, mais aussi de l'italien, du chinois, et d'autres langues où les sons et leur organisation sont différents du français.

3.2Fin d'école primaire : langue internationale espéranto
Cet apprentissage serait fait en CE1-CE2-CM1-CM2 (cycle 2 et cycle 3). Traditionnellement, durant ces années d'école primaire, les élèves apprennent les bases de la grammaire française, avec le singulier et le pluriel, les verbes, leurs divers temps et leurs diverses conjugaisons, les différentes natures de mots (noms, adjectifs, adverbes, prépositions, etc.) et leur fonction dans la phrase.

En espéranto, ces divers types de mots existent aussi, mais beaucoup plus simplement qu'en français. Les divers types de mots sont reconnaissables à leurs terminaisons. L'apprentissage de l'espéranto peut aider à comprendre les notions précédentes en français.

La réussite en orthographe est assurée par la très bonne correspondance entre l'écrit et l'oral. La numération plus simple en espéranto qu'en français permet de mieux comprendre la numération de position.

Enfin, l'espéranto peut servir d'initiation à d'autres langues, sur le modèle du programme anglais « Springboard to languages » = « Lingvolanĉilo» = « Tremplin pour les langues », ou plus récemment dans le cadre d'Erasmus+ en Croatie, Slovénie et Bulgarie « Multlingva akcelilo » = « accélérateur du multilinguisme ».

Par qui serait enseigné l'espéranto ? Par l'enseignant normal de la classe, ou bien par un enseignant spécialisé. Comme c'est une langue beaucoup plus facile que les autres, la formation des enseignants serait aussi beaucoup plus rapide que pour une langue normale. L'expérience « Multlingva akcelilo » a montré que les enseignants normaux de la classe pouvaient facilement enseigner les bases de l'espéranto. Quelques semaines suffiront pour la formation des enseignants.

3.3Collège et lycée : une ou deux langues de plus
A ce stade, on arrête l'enseignement de l'espéranto en tant que tel. Cette langue sera supposée connue, elle aura servi de base à la découverte de langues diverses à la fin de l'école primaire (cycle 3), et elle pourra être rappelée ultérieurement pour comparaison avec les diverses langues étudiées. L'espéranto pourra aussi être utilisé en tant que tel pour des échanges scolaires avec des établissements de pays parlant une langue différente et non étudiée en classe, mais ce ne sera plus une matière scolaire. Le temps sera venu d'étudier des langues traditionnelles.

On peut revenir à l'ancien système des collèges français : une langue en 6e, et une autre langue en 4e.

Par quelle langue commencer ? On peut imaginer l'anglais, mais ce n'est pas obligatoire.

Quels seraient les enseignants ? Contrairement aux idées reçues, il n'est pas souhaitable qu'ils soient des locuteurs natifs de la langue en question. Le document CNESCO. indique (p. 43) « Des difficultés pour les enseignants natifs : Une recherche menée auprès d’enseignants natifs de la langue enseignée (Causa, 2008) révèle qu’ils sont également en insécurité car ils doivent apprendre à mettre à distance leur langue et leur culture pour l’enseigner. À l’inverse, les enseignants non natifs ont développé des stratégies de compréhension de la langue, qu’ils peuvent transmettre. »

3.4Faire le lien avec la « société civile »
Les collectivités territoriales sont des acteurs du monde éducatif, d’une part parce qu’elles doivent assurer l’entretien des écoles (communes), des collèges (départements) et des lycées (régions), d’autre part parce qu’elles peuvent participer financièrement au fonctionnement par des subventions ou des prêts de matériel ou de locaux, et enfin parce que le personnel ou les élus peuvent intervenir directement dans la formation des élèves, par exemple dans les programmes « d’éducation à la citoyenneté ».

4Que peuvent faire les collectivités territoriales et les associations d’éducation populaire ?

Bien sûr, les propositions précédentes devraient être du ressort du Ministère de l’Éducation nationale, mais c’est une machine lourde, avec une grande inertie. Les acteurs locaux peuvent oeuvrer de façon plus agile, sans être prisonnier des programmes et des horaires officiels, mais en s’appuyant sur eux.

Les collectivités territoriales peuvent notamment soutenir l’action d’associations et de bénévoles, en lien avec les acteurs éducatifs de terrain (enseignants et chefs d’établissement).

4.1À l’intérieur du système scolaire, participer à l’éducation à la citoyenneté
En plus des disciplines scolaires, les établissements d’enseignement peuvent, et parfois doivent, organiser des activités différentes, ayant pour but une meilleure harmonie entre les élèves et leur environnement.

On peut prendre comme exemple l’éducation à la sexualité :

L'éducation à la sexualité vise à favoriser un comportement responsable des élèves et à les informer sur certains risques (prévention des infections sexuellement transmissibles, prévention des violences sexuelles,etc.).
Au collège et au lycée, au moins 3 séances annuelles d'éducation à la sexualité sont mises en place. Elles complètent les différents enseignements dispensés en cours. Ces séances sont organisées par une équipe de personnels volontaires et formés (professeurs, conseillers principaux d'éducation, infirmiers, etc.). Des partenaires extérieurs qualifiés sont généralement sollicités pour animer les séances.
De même, pour favoriser un comportement responsable des élèves (futurs adultes) , il est souhaitable d’organiser une éducation à la citoyenneté, qui permette aux élèves de se situer dans le monde, et de pouvoir être en relation pacifique avec lui. Nous proposons deux séances (deux heures environ), l’une au collège, l’autre au lycée, de présentation du problème des langues dans les relations humaines. Ces langues sont des outils de communication, mais aussi de discorde et de pouvoir. En prenant des exemples anciens ou actuels on montre la difficulté de coexistence de groupes linguistiques différents. Une langue construite telle que l’espéranto peut permettre à la fois une communication à égalité entre humains d’origine différente, et une meilleure compréhension de sa propre langue.

Pour ce sujet, comme pour l’éducation à la sexualité, il est utile de faire intervenir des partenaires extérieurs, dans la mesure où le problème dépasse les disciplines scolaires traditionnelles : l’intervention de personnes extérieures peut apporter aux élèves un point de vue plus transversal.

Les collectivités territoriales doivent soutenir financièrement les interventions d’associations oeuvrant pour le « parcours citoyen de l’élève », qui contient « la lutte contre toutes les formes de discriminations et en particulier la prévention et la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, notamment à travers l'ouverture sur l'Europe et le monde », et qui repose notamment sur « des rencontres avec des acteurs ou des institutions à dimension citoyenne ; des engagements dans des projets ou actions éducatives à dimension citoyenne. ». Ces actions sont pilotées par les comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté, dans lesquels figurent des représentants des collectivités territoriales. Parmi les discriminations non citées ci-dessus sont les discriminations linguistiques. Celles-ci sont mal connues du grand public : il est important d’en parler dans le cadre scolaire.

4.2En temps de crise sanitaire, assurer l’accueil pédagogique de tous les élèves
En cas de reprise modérée de l’épidémie de Covid-19, les instructions officielles sont d’accueillir tous les élèves au moins une partie de la semaine ; la nécessité de petits groupes fait que les élèves ne recevront d’enseignement scolaire qu’une partie du temps (deux ou trois jours par semaine), et devront rester chez eux en dehors de ces périodes. Malheureusement, l’expérience des mois de mars, avril, mai et juin 2019 a montré que les élèves apprennent beaucoup plus mal à la maison qu’à l’école. De plus, certains enfants étaient laissés à eux-mêmes par leurs parents partis travailler : sans aide familiale, ils étaient incapables de comprendre les consignes reçues des enseignants, et n’ont rien fait pendant plusieurs mois.

Pour les mois à venir, il sera donc du devoir de la collectivité de prendre soin de ces enfants, et de les accueillir du mieux possible, dans des locaux publics inutilisés (gymnases, salles de spectacles, salles polyvalentes…), par du personnel non spécialiste. Le but de cet accueil ne sera pas de refaire les enseignements disciplinaires, mais de permettre des apprentissages facilitant le travail scolaire normal. Des activités autour de l’espéranto peuvent donner confiance en eux à des élèves en échec scolaire grâce à la rapidité d’apprentissage. Elles peuvent permettre des progrès en français et dans les autres langues « naturelles » grâce à la logique de la grammaire.

Le projet « Multlingva akcelilo [accélérateur du multilinguisme] » (MLA) correspond à cette attente. Il est conçu pour une soixantaine d’heures d’enseignement, pour des élèves n’ayant aucune notion de la langue espéranto, et par des enseignants n’en sachant pas beaucoup plus :

L'idée du projet était que le MLA enseigne aux professeurs de langues étrangères uniquement à l'aide du guide et du matériel pédagogique, dans leur langue, sans qu'ils aient appris l'espéranto au préalable. Le matériel enseigné contient un minimum d'espéranto, que les enseignants de langues étrangères pourront apprendre en même temps que leurs élèves et en préparant leurs cours.
L'enseignant qui utilisera le MLA avec les enfants N'EST PAS tenu d'avoir développé des compétences linguistiques en espéranto. Le MLA est conçu de manière à permettre à l'enseignant de développer ses compétences en utilisant l'outil pour la préparation régulière de ses cours. Ceci est rendu possible par la conception en spirale du MLA, qui part de choses simples pour évoluer vers des contenus plus complexes, et par le fait que l'espéranto est basé sur les langues romanes, germaniques et slaves.
Nous proposons que des animateurs de base assurent cet accueil pédagogique d’urgence, et utilisent l’outil MLA grâce aux collectivités territoriales organisées dans ce but (coopération avec les associations, mise à disposition de locaux, etc).

4.3Dans les activités culturelles et périscolaires
Les collectivités territoriales sont souvent partenaires de diverses activités d’éducation populaire : centres aérés, colonies de vacances, etc.

Pendant les vacances, ces activités sont souvent organisées par « semaines », c’est-à-dire cinq journées. Si on imagine quatre heures d’activité éducative par jour, une semaine permet une vingtaine d’heures. Dans le projet « Multlingva akcelilo [accélérateur du multilinguisme] », au bout de vingt heures, on est capable d’échanger en espéranto avec d’autres personnes.

Pendant les périodes scolaires, les activités organisées pendant deux heures chaque semaine aboutissent à un total d’une soixantaine d’heures à la fin de l’année : c’est la totalité du programme « Multlingva akcelilo ».

Nous proposons que les collectivités territoriales soutiennent, par le financement et la formation des animateurs :
1) des séjours de vacances apprenantes où les jeunes pourraient bénéficier d'une formation à la langue internationale espéranto, en sessions d'une semaine,
2) des activités éducatives complémentaires (activités périscolaires) où les activités liées aux langues et à l’espéranto pourraient être plus régulières (hebdomadaires pendant les périodes scolaires).

Conclusion:

Pour une bonne politique linguistique dans l’enseignement, l’important est d’imaginer que les élèves d’aujourd’hui seront les adultes de demain, et que le monde dans lequel ils vivront sera différent de celui d’aujourd’hui.

Pour aider les élèves à s’y préparer, plusieurs mesures peuvent être prises par les collectivités territoriales :

1) soutien à l’organisation, dans le parcours citoyen de l’élève, de séances sur le problème des langues dans les relations humaines (une séance au collège, et une séance au lycée).

2) soutien aux activités culturelles et éducatives des associations d’éducation populaire, avec des activités suivies d’initiation à l’espéranto (par la méthode d’accélérateur du multilinguisme, ou une méthode similaire).

3) réactivité en cas de reprise d’épidémie, en organisant l’accueil pédagogique des élèves ayant des difficultés à travailler chez eux. Un enseignement d’espéranto peut être formateur, intéressant et valorisant pour ces élèves.

Écrire un commentaire

Quelle est la cinquième lettre du mot gkdyok ?

Fil RSS des commentaires de cet article